En Italie, la question des quotas domine le débat politique Les employeurs plaident pour un assouplissement de la loi "Bossi-Fini"
adoptée en 2002. Rome de notre correspondant Il ne se passe guère de jours,
depuis le début de l'été, sans que les gardes-côtes italiens interceptent,
au large de la Sicile, une embarcation - de la simple barque hors d'âge
au chalutier rongé par la rouille - surchargée d'hommes, de femmes et
d'enfants partis des côtes libyennes ou tunisiennes vers une promesse
de vie meilleure. Dimanche 29 août, un vieux chalutier de 15 mètres a
accosté à Lampedusa avec 241 personnes à bord. Lundi, 160 ont débarqué
au même endroit. Quatre jours plus tôt, ils étaient 275, entassés sur
un rafiot à bout de souffle. La quasi-totalité de ces candidats à l'exil
se déclarent palestiniens, soudanais ou irakiens dans l'espoir d'un statut
de réfugié politique. Mais leurs chances de l'obtenir sont presque nulles.
"Le traitement réservé à ceux qui arrivent irrégulièrement est connu :
centres d'accueil, puis rapatriement", a rappelé récemment Mgr Vittorio
Nozza, directeur de Caritas Italie. Le renvoi des clandestins ne prend
généralement que quelques jours, le temps d'une succincte vérification
du pays d'origine. Le responsable de l'ONG catholique regrette le peu
de cas fait par l'Italie du droit d'asile : "Un droit qui est empêché,
de facto, quand on fait en sorte que la demande d'asile ne soit pas formulée,
parce qu'on ne donne pas la possibilité aux arrivants de s'expliquer et
de se faire comprendre, ou bien parce que, dans l'urgence du rapatriement,
on ne s'accorde pas le temps nécessaire pour un examen approfondi de la
situation". De janvier à mai, la police a reconduit 46 825 personnes à
la frontière. Les statistiques l'attestent : l'Italie n'a jamais accordé
le droit d'asile qu'au compte-gouttes. "Notre pays n'est pas très sensible
à cette notion, qui a presque disparu, à tel point que les immigrés ne
demandent même plus le statut de réfugié", note Mario Marazziti, spécialiste
de l'immigration à la Communauté Sant'Egidio. Au plus fort des débarquements
de boat-people en provenance des pays en guerre dans les Balkans, les
demandes d'asile ont atteint le chiffre de 33 364 en 1999, selon les données
du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Un nombre équivalent
à celui de la France (30 907), mais très inférieur à ceux de l'Allemagne
(95 113) et du Royaume-Uni (91 200). Mais tandis que les demandes ont
augmenté ailleurs, elles n'ont cessé de diminuer en Italie (15 564 en
2000, 9 620 en 2001, 7 281 en 2002. Il est vrai que moins de 10 % des
dossiers sont finalement acceptés, après une attente très longue pendant
laquelle, souvent, le demandeur est parti tenter sa chance dans un autre
pays d'Europe. Outre celles de Caritas et de Sant'Egidio - les deux organisations
les plus impliquées dans l'accueil des immigrés -, de nombreuses voix
se sont élevées, pendant l'été, pour que l'Italie se dote d'une loi organique
sur le droit d'asile alors que, pour l'instant, il n'est évoqué qu'au
détour d'un article de la loi dite "Bossi-Fini" sur l'immigration. Cette
législation, adoptée en 2002, a durci une précédente loi, déjà assez restrictive,
votée en 1998 par la majorité de centre-gauche. De nombreuses personnalités,
y compris du centre et de droite, se sont exprimées ces dernières semaines
pour réclamer un assouplissement de certaines dispositions, telles que
l'allongement du permis de séjour de un à deux ans. Rocco Buttiglione,
ancien ministre (centriste) du gouvernement Berlusconi et prochain commissaire
européen chargé des questions d'immigration, a évoqué l'idée "d'étendre
le droit d'asile aux motifs économiques et non plus seulement politiques".
Le ministère de l'intérieur prépare un projet de loi sur le droit d'asile
qui pourrait être présenté en conseil des ministres dès vendredi 3 septembre.
Le nombre de commissions d'examen des dossiers passerait de 1 à 7 et,
pour éviter les reproches de la Cour constitutionnelle, la questure aurait
quarante-huit heures pour soumettre l'avis d'expulsion au tribunal, le
juge ayant lui-même quarante-huit heures pour statuer et motiver sa décision.
Le texte prévoit la présence d'un avocat et la possibilité d'un recours
en cassation en cas d'expulsion. Enfin, le projet de loi prévoit la création,
"sur la base d'accords bilatéraux" de centres de rétention hors d'Italie.
Mais au-delà du droit d'asile, c'est sur la question des quotas, fixés
chaque année par un décret du président du conseil italien, que s'est
concentré le débat politique cet été, dans un pays où l'immigration reste
un phénomène lié à l'emploi. Pour 2004, le chiffre maximal des entrées
a été fixé à 79 500 travailleurs. Un plafond jugé trop bas par Luca di
Montezemolo, le "patron des patrons" italiens, qui s'est fait l'écho de
nombreux industriels du nord de l'Italie et des secteurs qui ont besoin
de main-d'œuvre saisonnière, comme l'agroalimentaire ou le tourisme. Le
ministre chargé des rapports avec le Parlement, Carlo Giovanardi, a estimé
nécessaire de "repenser" la notion de quotas contenue dans la loi Bossi-Fini.
Un texte qui, selon Silvio Berlusconi lui-même, devra être "renforcé et
affiné". |