PLACES DU MONDE
Les résultats de notre concours d'été
REVELATIONS
Mitterrand
par Jacques Attali
WILLY RONIS
«Ce sont les petites gens qui m'intéressent»
15 numéros
15 euros
Abonnez-vous !
FORUM ARCHIVES MAIL GRATUIT NEWSLETTER FILS RSS ABONNEMENTS BOUTIQUE

 Monde

 France

 Régions

 Société

 Economie

 Bourse

 Science et santé

 Multimédia

 Reportages photo

 24 heures en vidéo

 Offres d'emploi

 Votre carrière

 Jeunes diplômés

 Tendances

 Saveurs

 Sports et loisirs

 Arts et spectacles

 Cinéma

 Toutes les destinations

 Débats

 Entretiens

 Forums
 Critiques

 Ecrivains

 Premières pages

 Immobilier

 E-mail gratuit

 Newsletter

 Fils RSS

 Archives

 Palmarès des lycées

 S'abonner

 Offrir un abonnement

 Gérer son abonnement

 Emploi

 S'expatrier

 Carrière

 Management

 Immobilier

10:17 - Grève dans le tramway bordelais, trafic très perturbé  10:12 - Bayrou et Ayrault veulent un débat national sur les violences  07:34 - Matthias Platzeck, nouveau patron du SPD  


mercredi 2 novembre 2005, mis à jour à 15:28
Violences urbaines
Ces nuits qui ont fait trembler Clichy

par Romain Rosso

Une banale ronde policière et la mort de deux adolescents atrocement électrocutés ont enflammé cette cité de la banlieue parisienne. Pourquoi et comment cette colère monte-t-elle de plus en plus vite? Récit


C'est un volcan qui s'est réveillé ces derniers jours à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), après l'annonce de la mort, par électrocution, de deux adolescents, dans un transformateur EDF. Une éruption soudaine de colère et de haine, s'échappant d'un magma d'incompréhension. Une flambée de violence venant s'ajouter à la liste des «troubles urbains», qui en disent long sur l'état précaire de certaines banlieues prêtes à s'embraser. Ces événements montrent qu'à tout moment elles peuvent basculer dans la guérilla. Récit de ces jours et de ces nuits brûlantes qui ont fait trembler Clichy, et menacent de contagion toute la Seine-Saint-Denis, comme l'ont montré des affrontements dans d'autres cités, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre.

Tout part d'un coup de téléphone à la police. Il est environ 17 h 15, ce jeudi 27 octobre, lorsqu'un habitant de Livry-Gargan signale que des jeunes pénètrent dans un chantier de démolition. Sur la dizaine d'adolescents - qui reviennent d'un match de football de quartier - plusieurs se seraient déjà glissés à travers les palissades lorsqu'une voiture de la brigade anticriminalité, alertée par radio, s'arrête sur les lieux et interpelle l'un d'eux, qui semble faire le guet.

«Mais pourquoi on court?»
Les jeunes paniquent et s'éparpillent en courant. Une attitude habituelle en banlieue à l'approche d'un véhicule de police, même si l'on n'a rien à se reprocher. Cinq mineurs, rapidement interpellés par d'autres agents appelés en renfort, seront d'ailleurs remis à leurs parents dans la soirée. Trois garçons, Bounna, Ziad et Metin, se précipitent alors pour se cacher au bout d'un terrain vague, à quelques centaines de mètres de là, dans l'enceinte du transformateur de Clichy-sous-Bois, où deux d'entre eux vont trouver la mort. Cette centrale extrêmement dangereuse est pourtant protégée par des murs élevés et des panneaux à tête de mort. Ont-ils été pourchassés par la police? C'est l'une des questions cruciales de cette affaire. Cette rumeur, en tout cas, immédiatement répandue, va embraser toute la cité.

On ne connaît le récit du comportement des jeunes que par le témoignage du survivant, miraculé et grièvement brûlé, Metin, d'origine turque. Interrogé par les policiers sur son lit d'hôpital, le jeune blessé a expliqué qu'il avait suivi ses deux copains, qui lui criaient de courir. «Mais pourquoi on court?» leur a-t-il demandé après plusieurs minutes. Arrivés devant le transformateur, les trois garçons gravissent à toute allure les deux murs d'enceinte, malgré les barbelés.

Planqués à l'intérieur du bâtiment, les jeunes reprennent leur souffle et se parlent: «Si je me fais choper par les civils, mon père va me renvoyer au bled», aurait dit l'un des camarades à Metin, qui l'a rapporté aux enquêteurs. Un seul était pourtant connu des services de police et, encore, pour une affaire bénigne. Environ une demi-heure plus tard, l'un d'eux, probablement Metin, se rapproche du transformateur: le courant de 20 000 volts le traverse - ce qui expliquerait sa survie - et tue ses deux camarades, atrocement brûlés vifs. Les policiers, qui ont procédé à l'interpellation des jeunes, sont alors au commissariat depuis un quart d'heure. Ils rédigent leur rapport quand intervient une coupure de courant, à 18 h 12 précisément, l'heure à laquelle les garçons sont frappés par le phénomène d'arc électrique.

Quand il se réveille, Metin a les vêtements qui brûlent. Malgré son état de choc, il a la force de remonter les murs en parpaings - creux à l'intérieur - et de marcher plusieurs centaines de mètres pour prévenir ses copains dans un centre commercial. Ce sont eux qui alertent les pompiers à 18 h 44. Sept minutes plus tard, un véhicule de la 14e compagnie arrive sur place. Les pompiers sont contraints de franchir la porte de la rue du Bois, qui est fermée. Ils voient les deux corps calcinés, mais ne peuvent entrer dans le transformateur avant qu'EDF ne coupe le courant. Pendant ce temps, ils aperçoivent Metin, qui est revenu près du bois. Celui-ci est aussitôt confié au Samu, arrivé sur place. Mais des proches et des badauds des cités alentour sont déjà là. Inquiets, ils s'impatientent. L'ambiance s'échauffe. Certains s'énervent et s'approchent de la voiture du Samu, qui essuie des coups. Elle est obligée de s'enfuir. «Le garçon a été médicalisé un peu plus loin, dans une rue tranquille», confie un infirmier. Dans la voiture, Metin, choqué, mais conscient, aurait raconté qu'il courait devant d'autres jeunes.

Rapidement, la tragique nouvelle se répand dans la cité du Chêne-Pointu, dans le centre de Clichy, d'où sont originaires les victimes. «On s'attendait à éteindre des voitures cette nuit-là», glisse un pompier. Mais pas à ce niveau-là. La situation dégénère en émeute le soir: plus d'une centaine de jeunes commencent à attaquer commerces et bâtiments publics. Une quinzaine tentent de s'introduire dans la mairie. Certains affrontements se déroulent devant la caserne des pompiers, où stationnent les forces de l'ordre. Au passage, un camion de pompiers subit des attaques. Ce qui conduit la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) à déclencher l'échelon rouge de son plan «troubles urbains», un dispositif peu utilisé: aucun véhicule ne «décale» (sort) sans la protection d'une voiture de soutien et d'une escorte policière. Les pompiers sont tous en tenue de feu, casqués, et certaines règles de sécurité doivent être strictement appliquées: stationnement en marche arrière à l'abri des façades; pas de gyrophares ni de sirènes, etc. «On n'engage les moyens que s'il y a un danger ou risque de propagation du feu, précise le capitaine Sébastien Lamoureux, commandant la 14e compagnie. Sinon, on laisse le véhicule ou la poubelle se consumer toute seule.» Un dispositif inspiré de celui utilisé durant trente ans en Ulster…

Un tir de 9 millimètres
Le lendemain, vendredi soir, la situation empire. Les échauffourées tournent à la guérilla urbaine: 400 personnes se heurtent aux forces de l'ordre, qui tirent plus de 150 flashballs au cours de la nuit, ces balles en plastique dont ils sont désormais équipés. Plus de 300 grenades sont lancées par les CRS. «Nous avons eu chaud, car les effectifs, ce soir-là, étaient un peu justes», confie un responsable de la sécurité publique. Les bennes situées à côté du poste de police de la cité Utrillo, à Montfermeil, sont incendiées, tout comme 29 voitures. Plus grave: un fourgon de CRS essuie un tir de 9 millimètres qui passe à seulement 5 centimètres d'une vitre - la police a déposé plainte pour tentative de meurtre. Un pompier se souvient de la détonation: «A un moment, on s'est retrouvés avec une cinquantaine de manifestants derrière nous et on a entendu le coup de feu. Là, on a vraiment flippé.»

Depuis la veille, les jeunes ont eu le temps de s'organiser en s'équipant de produits inflammables et en cloisonnant le territoire, dans un périmètre situé entre les cités du Chêne-Pointu, Utrillo et le boulevard Emile-Zola. «Ils avaient réfléchi où ils pouvaient prendre à partie la police, en mettant le feu dans une impasse ou près d'une façade et en utilisant les voitures comme des barricades», raconte un officier. De même, les voitures incendiées sont bourrées de pneus, de fumigènes, de feux d'artifice, de bidons de peinture et de cocktails divers…

Samedi, le dispositif est renforcé. Plus de 300 policiers sont sur le terrain. Les pompiers, aussi, reçoivent une vingtaine d'hommes supplémentaires. Après les appels, dans la matinée, de la communauté musulmane et du maire, la soirée s'annonce plus calme. Vers 19 heures, le capitaine Lamoureux donne néanmoins ses consignes: «Ne peaufinez pas, vous éteignez et vous dégagez.» Le premier feu est signalé à 21 heures, une voiture boulevard Emile-Zola. Jusqu'à 4 heures du matin, 17 voitures «seulement» seront brûlées, mais aucun affrontement n'est à déplorer.

Pourtant dimanche, ça reprend de plus belle. On dénombre moins de feux, mais de nouveaux affrontements ont lieu, du côté de la cité des Bosquets, à Montfermeil, un «territoire que les jeunes maîtrisent mieux», selon un policier. Les assaillants utilisent des grenades au poivre et au plâtre. Les CRS chargent. L'une de leurs grenades lacrymogènes tombe sur la mosquée, dans le quartier de la Forestière, à Clichy, provoquant une vive émotion dans la communauté musulmane. Le ministre de l'Intérieur réclame une enquête de la police judiciaire.

Lundi, le bilan s'élève à 68 voitures incendiées et 53 interpellations, dont 33 gardes à vue; 8 passent en comparution immédiate devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

Sarkozy hausse le ton
Parmi eux, Mohamed, Ibrahim et Nassene, trois majeurs, sont accusés par la police d'avoir lancé des pierres et des bouteilles, et de faire partie d'un groupe particulièrement violent. Eux donnent une autre version: l'un allait voir son père, l'autre était descendu dans la rue récupérer les enfants d'un ami, le dernier rentrait déposer une caisse à outils chez son patron, dont il ne peut malheureusement pas dire le nom, car il travaille au noir… Ils ont écopé de huit mois d'emprisonnement, dont deux ferme.

«Trois choses expliquent ce basculement dans la violence, analyse, consterné, le maire (PS), Claude Dilain. Le climat général anti-institutionnel, la mort tragique de ces jeunes et les incertitudes sur son origine.» Les familles n'en démordent pas: elles sont persuadées que leurs enfants étaient pourchassés par la police. Elles ont d'ailleurs refusé de rencontrer Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur. Leur avocat, Me Jean-Pierre Mignard, demande la nomination d'un juge d'instruction. «Pourquoi des jeunes qui n'ont rien à se reprocher se sont-ils sentis suffisamment menacés pour pénétrer sur un site dangereux?» s'interroge-t-il. Le procureur de la République, de son côté, martèle que les trois garçons n'étaient pas poursuivis.

Nicolas Sarkozy, lui, hausse le ton en promettant la tolérance zéro pour les violences urbaines. Il ira, chaque semaine, dans un quartier sensible et augmentera les effectifs policiers. Les affaires de Clichy marquent un tournant pour le ministre de l'Intérieur dans la lutte contre les délinquants des cités et révèlent l'état éruptif des banlieues: comme une traînée de poudre, Sevran, Neuilly-sur-Marne, Bondy, Aulnay-sous-Bois ont connu depuis des affrontements, des caillassages et des incendies de véhicules. On le sait depuis longtemps: le développement des zones de non-droit où l'Etat a baissé les bras nous éclate à la figure. Ou les méthodes dures de Nicolas Sarkozy font reculer la criminalité et apaisent les cités pour que l'Etat y retrouve sa place. Ou, au contraire, en haussant la barre et en brandissant la répression, le ministre provoque une aggravation de la situation et une dérive à l'américaine. Le risque d'un embrasement général des banlieues n'est pas une fiction. C'est aussi le produit de décennies d'abandon.

 
  A lire aussi

SUR LEXPRESS.FR

La banlieue flambe

Premières condamnations

Les familles ne veulent pas rencontrer Sarkozy

Sarkozy dénonce "trente ans" de laisser-aller

Guérilla urbaine

Pourquoi sont-ils morts?

DANS NOS DOSSIERS

VIDEO - L'enjeu caché des banlieues, par Denis Jeambar

VIDEO - L'incendie gagne la banlieue

FORUM - Que faire contre la violence des jeunes?

Notre dossier sur la criminalité

SUR INTERNET

Ville de Clichy-sous-Bois





LEXPRESS INTERACTIF
Le palmarès des lycées 2005
Trouvez le meileur établissement pour votre enfant: tous les lycées, par départements et communes, classés, notamment, selon les taux de réussite au baccalauréat.

Groupe Express-Expansion | Lire.fr | LExpansion.com | LEntreprise.com | Votreargent.fr | lEtudiant.fr
contacts | publicité | partenaires | abonnements | librairie en ligne | copyright