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New York Times souligne
"l'incapacité de la France à intégrer ses immigrants".
El Pais observe que Paris
"proclame fièrement un idéal d'égalité, mais parque les proscrits dans des ghettos, loin de la vue de la majorité..." Les deux éditorialistes appuient, vendredi 4 novembre, là où ça fait mal, même si le Quai d'Orsay se dit
"surpris" de ces réactions.
La France n'est pas, il s'en faut, le seul pays occidental confronté à des banlieues devenues des ghettos ethniques. Elle a admis depuis longtemps un problème que François Mitterrand avait résumé, en 1990, d'une phrase devenue célèbre :
"Que peut espérer un être jeune qui naît dans un quartier sans âme, qui vit dans un immeuble laid, entouré d'autres laideurs, de murs gris sur un paysage gris pour une vie grise, avec tout autour une société qui préfère détourner le regard et n'intervient que lorsqu'il faut se fâcher, interdire ?"Faute de résoudre la question, les pouvoirs publics tentent, à chaud, de contenir les explosions tout en menant, entre deux accès de fièvre, des politiques que chacun sait insuffisantes. Mais le problème est bien celui que soulève El Pais, avec d'autres journaux étrangers. Un pays qui se vit comme la patrie des droits de l'homme et le sanctuaire d'un modèle social généreux se montre, aux yeux de tous, incapable d'assurer des conditions de vie dignes à des jeunes Français, dont les grands-parents immigrés ont contribué aux "trente glorieuses", mais qui n'ont eu pour horizon que chômage, régression tribale, racisme.
La question des banlieues est emblématique : elle constitue le point de rencontre de multiples problèmes que les dirigeants français ont laissé s'accumuler, s'imbriquer les uns dans les autres, jusqu'à déboucher sur une situation inextricable. Des gouvernements successifs aux architectes, la liste des responsables est longue. Tout comme celle des domaines où la France, en regardant l'insurrection de ses banlieues, contemple le miroir de ses échecs, au moins partiels : urbanisme, intégration, éducation, emploi...
L'explosion dans les banlieues témoigne d'une situation complexe où tout ce qui peut être dit et écrit, dans un sens ou dans l'autre, est en partie vrai. Aux provocations d'un Nicolas Sarkozy répond la bêtise d'adolescents qui ruinent un fragile tissu économique et brûlent les bus empruntés par leurs familles. Certains des incendiaires ont été victimes d'un système, avant de devenir des petits "mafieux" qui profitent de la situation.
L'intrusion brutale de la réalité dans la précampagne présidentielle rend insupportable le contraste avec une vie politique qui tourne au vaudeville, avec une vingtaine de candidats potentiels. Si le pays veut éviter le renouvellement de la catastrophe électorale de 2002, où Jean-Marie Le Pen avait été présent au second tour, il serait temps que ceux qui aspirent à le diriger oublient la politique-spectacle pour réfléchir sans complaisance aux banlieues et à la reconstruction d'une partie de la société française qui les attend.