Chirac, Villepin, Sarkozy sur le front des banlieues
APRÈS SIX NUITS consécutives de violences en Seine-Saint-Denis, Dominique de Villepin a décrété, hier, la mobilisation de tout son gouvernement. Le premier ministre, qui s'était résolu la veille à reprendre en main le dossier, s'est fixé comme «priorité de rétablir sans délai l'ordre public» dans la banlieue parisienne. Au cours du Conseil des ministres, le président Jacques Chirac a prôné fermeté et conciliation. Récit d'une journée.
8 h 20 : Qui est en charge de la sécurité ?
Sur Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach attaque bille en tête : «Qui est le responsable de la politique de sécurité en France ?» Nicolas Sarkozy accuse le coup. Après un long silence, il élude : «Je ne comprends pas le sens de votre question.» Au cours de l'entretien, il persiste sur l'emploi du terme «racaille». «Je ne vois d'ailleurs pas ce que le terme peut avoir de vulgaire ou de violent [...]. Je parle avec les mots que comprennent les Français», dit-il.
10 heures : Chirac appelle à l'apaisement
En Conseil des ministres, Nicolas Sarkozy fait le point sur la situation. «Il l'a fait de manière équilibrée, à la vérité, très peu polémique», témoigne un ministre. Jacques Chirac fait une déclaration solennelle dans laquelle il estime que «les esprits doivent s'apaiser» et que la loi doit s'appliquer «fermement, dans un esprit de dialogue et de respect» (lire ci-dessous).
Midi : Atmosphère lourde
Les ministres sortent très rapidement de la salle du Conseil. La consigne est claire : aucun commentaire. Azouz Begag est tout de même assailli par les journalistes. Visage fermé, il tente de se frayer un chemin. L'atmosphère est un peu lourde. En privé, certains ministres croisent les doigts pour que la fin du ramadan, ce soir, ne soit pas l'occasion d'une nouvelle flambée : «Cela va être un test», estime l'un d'entre eux.
12 h 15 : Villepin sort de ses gonds
Dominique de Villepin se rend à la réunion du groupe UMP à l'Assemblée. Il rappelle aux députés le «devoir d'équilibre entre autorité et justice». Philippe Briand (Indre-et-Loire), fidèle de Chirac, l'interrompt en réclamant «plus de solutions concrètes». Le premier ministre sort alors de ses gonds : «Vous déclamez, vous ne faites que cela. Mais qu'avez-vous à proposer ?» Les députés sont abasourdis. Certains sont sur le point de quitter la salle. «Nicolas Sarkozy, qui était sombre jusque-là, a su qu'il reprenait la main», affirme un député.
13 h 30 : Le premier ministre annule son voyage au Canada
Les ministres «concernés par la mise en oeuvre des actions dans les zones urbaines sensibles» sont convoqués en urgence à Matignon. Nicolas Sarkozy (Intérieur), Michèle Alliot-Marie (Défense), Jean-Louis Borloo (Cohésion sociale), Pascal Clément (Justice), Azouz Begag (Promotion de l'égalité des chances), François Baroin (Outre-Mer), Catherine Vautrin (Cohésion sociale et Parité) et Brice Hortefeux (Collectivités territoriales) s'enferment. Villepin veut montrer que les «banlieues ne sont pas qu'une affaire de sécurité». Il lui faut mettre fin à la joute publique entre Azouz Begag et Nicolas Sarkozy, et donner des preuves d'une «action frontale» du gouvernement.
En sortant, il pleut et personne n'a envie d'en rajouter. Dans les étages, les conseillers du premier ministre préparent les questions au gouvernement, avec un objectif : faire passer la double notion de «fermeté et de justice». Décision est prise d'annuler totalement le déplacement du premier ministre au Canada. Les dirigeants canadiens «ont très bien compris» les raisons de ce contretemps, affirme son entourage.
15 heures : Sarkozy n'a pas la parole
Le premier ministre se rend à l'Assemblée nationale pour les questions au gouvernement. L'ambiance est houleuse dans les rangs de l'opposition. Dominique de Villepin assure qu'il fera «revenir l'ordre public. Rien ne justifie de telles violences», lance-t-il. Il annonce également un «plan d'action avant la fin du mois de novembre» en faveur des banlieues difficiles.
Alors qu'il laisse Jean-Louis Borloo répondre à une question sur le logement, il ne demande pas à Nicolas Sarkozy de répondre à la question du groupe socialiste sur la disparition de la police de proximité. Mais il rendra hommage à son ministre de l'Intérieur, estimant que ce dernier avait «pris les mesures nécessaires». «Je peux compter sur lui», assure-t-il, tentant de prouver qu'au sein du gouvernement aussi, l'apaisement était à l'ordre du jour.